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Discours de Robert Massuet 2023


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A l'occasion des voeux de l'Alliance économique (UPA + Medef + FDSEA), Robert Massuet, Président de l'UPA a prononcé un discours offensif où il remet en cause, entre autre, la réforme des retraites :

Mesdames, messieurs, chers collègues,

 

Quel plaisir en cette année 2023 de nous réunir, nous revoir, nous serrer la main et nous bousculer un peu si besoin. Je suis heureux de voir que sur notre territoire, avec des hommes comme Guy et Bruno nous sommes capables de voir plus loin que notre boutique et que nous arrivons, malgré nos désaccords, à nous rassembler. J’associe à ce rassemblement les établissements consulaires dont chacune de nos organisations occupe la présidence, ce qui facilite la mission de chacun : aider les entreprises dont on connaît bien les métiers. Je me suis toujours méfié de ceux qui sont experts en tout.

Ne nous leurrons pas, si ce rassemblement s’est fait aussi facilement, c’est que nous pensons tous que l’année sera très dure et que l’heure n’est pas à s’attarder sur ce qi nous sépare. Les entreprises ne nous le pardonneraient pas.

Nous sommes finalement passés d’une époque naïve où l’on rêvait au monde de demain, un monde plus humanisé, parce que chacun mesurait l’importance de son artisan du village, de son commerçant de proximité, de son infirmière…  Le local devait tout emporter, on avait éprouvé les limites de tout ce qu’on délocalise… Finalement, dès que nous avons été déconfinés, tout a repris comme avant, avec au passage des questionnements métaphysiques chez certains de nos salariés et une guerre en Europe. Nos couturières, qui pendant la pandémie avaient cousu des milliers de masques ont été sommées d’arrêter leur travail, tout juste si elles ne mettaient pas en danger la vie des gens… Le monde d’après c’est le monde d’avant, en un peu moins bien.

En peu de temps nous sommes passés par tous les stades : l’interdiction de travailler, puis la peur en allant travailler, puis l’excès de travail, l’impossibilité de recruter de nouveaux salariés, les anciennes équipes qui avaient des envies d’ailleurs et qui nous laissaient face à des clients de plus en plus pressés…

Dans ce contexte de tensions j’aurais voulu que tout soit fait pour mettre en valeur ceux qui travaillent, que ce soit nos artisans, nos professions libérales mais aussi nos salariés : ceux qui ont envie de travailler sont devenus une rareté et tout devrait être fait pour eux… Au lieu de ça, le gouvernement trouve utile de lancer une réforme des retraites qui va s’appliquer, une nouvelle fois, à ceux qui bossent. Un boulanger, un couvreur, un coiffeur, un carreleur… à 60 ans, ils ont déjà largement mérité de se reposer enfin. Prolonger leurs carrières c’est faire le choix cynique de transférer un coût sur l’assurance maladie ou sur Pôle emploi… Le choix de la période pour lancer une telle réforme révèle, une nouvelle fois, toute l’arrogance de nos dirigeants et leur méconnaissance de ceux qui font avancer ce pays chaque jour. Nous sommes tous capables de comprendre qu’il y a des efforts à faire, mais il faut être aveugle pour ne pas voir que ceux qui en font toujours plus n’en peuvent plus.

Nous sommes entrés dans une zone de fortes turbulences, avec cette guerre, ses conséquences, et ses opportunistes ; balancer à ce moment-là une réforme des retraites est une provocation inutile, c’est « emmerder » « les gens qui ne sont rien », les « gaulois réfractaires », tous ceux que le modèle d’UBER ne fait pas rêver…  Et, entre les blocages et le dépit, tout ça coutera au final « un pognon de dingue » pour reprendre le vocabulaire présidentiel.

Qu’on arrête de pénaliser ceux qui bossent, qu’on les épargne un peu. Comment voulez-vous qu’on règle nos problèmes de recrutement ? Cette réforme n’est pas à la hauteur, elle ne réfléchit pas à l’intégration des jeunes, au passage de relai dans l’entreprise, aux sorties progressives et bien encadrées ; on balance deux ans de plus, deux ans qui ne règleront rien. C’est d’autant plus dommage que le travail fait sur l’apprentissage est remarquable, le CFA du bâtiment et le CFA interprofessionnel de Rivesaltes sont pleins, de nouvelles sections ouvrent, on retrouve une forme d’attractivité. Combien de jeunes vont signer, à 16 ans, pour travailler jusqu’à 62 ans dans des métiers pénibles ? A croire qu’on rêve d’un pays de cadres, de bureaucrates, où les métiers « essentiels » comme on disait il y a quelques mois, ne sont que des variables d’ajustement.

Moi je crois encore que nos métiers sont beaux, qu’ils donnent du sens aux vies de ceux qui les font, et qu’on doit sortir d’une logique de petit comptable, pour les envisager avec davantage de finesse.

Je veux conclure sur une note d’espoir, en voyant le travail accompli par nos artisans bijoutiers. La Saint Valentin approche, alors ne réfléchissez pas, allez chez un artisan, un vrai, achetez un Grenat de Perpignan (et pas une imitation : un vrai Grenat de PERPIGNAN). Ils ont été capables de se réunir, de vendre ensemble leur production, de rédiger un cahier des charges et d’obtenir une indication géographique pour leur bijou, le premier en France. Ce travail a mis autour de la table trois générations, les retraités qui avaient la technique et la mémoire du métier, leurs repreneurs qui pendant des années avaient lutté contre les fabricants de bijoux à la chaîne, et maintenant leurs enfants, je pense à Laurie Pagès, à Hélène Paulignan, à Guillaume Laviose ou à Maxime Creuzet-Romeu. Le monde de demain, c’est eux, et c’est en s’inspirant de leur solidarité et de leur professionnalisme que nous pouvons imaginer un avenir à nos entreprises. Pour cette année 2023, faisons le vœux d’un peu plus de solidarité, et retrouvons le plaisir du chemin fait ensemble.