la diffusion de certaines informations sur sa page Facebook peut-elle être utilisée par l'employeur à l'encontre d'un salarié?
Ne sont pas des modes de preuve recevables les informations recueillies sur le profil Facebook d'un salarié, en utilisant le portable professionnel d'un autre salarié, tranche la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 20 décembre 2017. La solution aurait pu être différente si le salarié avait paramétré son profil comme étant public.
Dans cette affaire, dans le cadre d’un contentieux qui l’opposait à une ancienne salariée, un employeur produisait des informations recueillies sur le compte Facebook de cette dernière. Pour justifier de la production de ces éléments, il faisait valoir qu’il n’y avait pas violation de la vie privée de l’intéressée puisqu’il avait eu accès à ces informations grâce au portable professionnel qu’il avait mis à la disposition d’une autre salariée. Saisie de l'affaire, la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence écarte les informations tirées du compte Facebook des débats : "Ces informations étaient réservées aux personnes autorisées [les publications étaient accessibles uniquement aux comptes Facebook identifiés par la salariée comme des comptes "amis"] et l'employeur ne pouvait y accéder sans porter une atteinte disproportionnée et déloyale à la vie privée de la salariée."
La cour condamne l'employeur à 800 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à la vie privée de la salariée.
La Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel : à partir du moment où un salarié a réservé l’accès de son compte Facebook uniquement à certaines personnes, les informations qui y sont stockées relèvent de sa vie privée et ne peuvent être recueillies par l’employeur. En conséquence, il s’agit là d’une atteinte disproportionnée et déloyale à la vie privée du salarié et il importe peu que le téléphone ayant permis d’avoir accès à ces informations soit un téléphone professionnel
Remarque : La solution aurait sans doute été différente si les informations publiées sur Facebook avaient été accessibles à tous, l'employeur n'ayant pas à utiliser le portable d'un autre salarié pour y avoir accès. Ci-dessous, quelques exemples de décisions de justice impliquant l’utilisation de Facebook comme preuve dans des conflits employeurs/employés. Attention toutefois la chambre sociale de la Cour de Cassation ne s'est toujours pas prononcée clairement sur la question : - Un employeur peut produire en justice les propos qu'un salarié publie sur son "mur" paramétré en "public" (arrêt de la cour d'appel de Lyon du 24 mars 2014). - Les messages publiés sur le "mur" d'un "ami" Facebook - qui sont accessibles non seulement aux "amis" de l'expéditeur mais également aux "amis" du destinataire - peuvent être utilisés par l'employeur (arrêt de la cour d'appel de Besançon du 15 novembre 2011, arrêt de la cour d'appel de Douai du 16 décembre 2011). - A contrario, des propos tenus sur un groupe privé (arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 décembre 2015) ou sur un profil réservé seulement aux "amis" (arrêt de la chambre civile de la Cour de cassation du 10 avril 2013) ne sont pas considérés comme publics, car ils visent un nombre restreint de personnes. Dans ce cas, l'employeur ne peut notamment pas poursuivre son salarié pour injure publique.