Liberté d’expression des salariés sur Internet
Dans un arrêt rendu le 11 avril 2018, la Cour de cassation a approuvé une cour d’appel qui avait retenu l’existence d’une faute grave prononcée à l’encontre d’un salarié qui avait décrit la société qui l’employait en des termes peu élogieux, sur un site Internet de notation des entreprises, accessible à tous.
Dans cette affaire, une agence de communication avait été avertie par un client d’un message très négatif la concernant et publié anonymement sur un site Internet permettant aux salariés d’évaluer leur entreprise. Après avoir obtenu du site Internet le retrait de l’avis litigieux, l’entreprise a réussi, via des investigations informatiques dans l’entreprise, à identifier l’ordinateur à l’origine du message. Ces investigations ont permis de remonter au directeur artistique de l’entreprise qui manifestement s’était connecté sur le site Internet de notation le jour même du dépôt des propos contestés. Le salarié, licencié pour faute grave, a contesté le bien-fondé de son licenciement invoquant sa liberté d’expression.
Compte tenu des termes employés, la Cour d’appel a considéré que l'écriture de ce message sur un site accessible à tout public caractérise un abus de la liberté d’expression constitutif d’une faute grave et peut justifier un licenciement sur ce motif.
Saisie à son tour de l’affaire, la Cour de cassation s’est conformée à l’avis des juges d’appel, en estimant que le message rédigé sur un site accessible à tout public avait un caractère excessif car il contenait les termes déloyaux et malveillants à l’égard de l’employeur. Ainsi, la Cour considère que le directeur artistique de l’entreprise a abusé de sa liberté d’expression et que « ce manquement qui rendait impossible le maintien du salarié dans l’entreprise constituait une faute grave, excluant par là même toute autre cause de licenciement ». Au final, la détermination de l’abus relevant de l’appréciation des juridictions, il reste difficile de savoir où placer le curseur entre ce qui relève de l’abus et ce qui ressort de l’exercice légitime de la liberté d’expression. Tout dépendra donc des circonstances.
Le présent arrêt présente toutefois l’intérêt de faire apparaître que, même sur Internet ou sur les réseaux sociaux, le droit de critique des salariés ne doit pas virer au dénigrement, sous peine de sanction disciplinaire.