Obligation d'information des salariés en cas de vente d'entreprise par le cabinet FIDAL
La loi n°2014 -856 du 31 juillet 2014 sur l’économie sociale et solidaire a instauré une obligation d’information des salariés des petites et moyennes entreprises lorsque la cession du fonds de commerce de leur employeur ou la cession de la société est envisagée, afin de les inciter à se porter acquéreur.
Malgré une opposition manifeste des organisations patronales qui demandaient l’abrogation de ce dispositif jugé inapplicable, le Gouvernement a publié le 28 octobre 2014 le décret permettant son application depuis le 1er novembre 2014.
Quelles sont les entreprises concernées par ce nouveau dispositif ?
- Les entreprises de moins de 50 salariés,
- Les entreprises employant entre 50 et 249 salariés soumises à l'obligation de mettre en place un Comité d'Entreprise et entrant dans la catégorie des PME.
Quelles sont les principales opérations juridiques concernées par ce nouveau dispositif ?
- Toute cession de fonds de commerce dès que l’intention de céder existe,
- Toute cession d'une participation représentant plus de 50% des parts sociales d'une société à
responsabilité limitée ou d'actions d'une société par actions dès que l’intention de céder existe.
De plus selon le guide pratique à destination des salariés et chefs d’entreprise rédigé par le ministère de l’économie suite à la publication du décret, l’opération de cession recouvre notamment : vente, donation à des tiers (à savoir des personnes qui ne sont ni le conjoint, ni un ascendant ou un descendant du donataire ou testateur), dation en paiement, transaction, fiducie, échange ou apport en société.
En revanche le droit d’information des salariés n’est pas applicable:
- Aux cessions intervenant dans le cadre d’une succession, d’une liquidation du régime
matrimonial,
- Aux cessions à un conjoint, ascendant ou descendant,
- Aux entreprises/sociétés faisant l'objet d'une procédure de conciliation, sauvegarde,
redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.
Qui doit donner l’information ?
- En cas de cession de fonds de commerce : le propriétaire du fonds, ou, lorsque le propriétaire du fonds n'est pas l'exploitant, c’est à l'exploitant du fonds d’informer les salariés.
- En cas de cession d’une participation de plus de 50 % du capital social : le cédant informe le représentant légal de l’entreprise qui notifie l’information aux salariés.
Quand faut-il donner l’information ?
- Entreprises employant moins de 50 salariés : au plus tard deux mois avant la cession.
La réalisation de la cession ne pourra intervenir avant un délai de 2 mois après que tous les salariés ont été informés individuellement de l’intention du propriétaire de céder ses titres sauf si tous les salariés ont fait part de leur décision explicite et par écrit de ne pas présenter d’offre.
- Entreprises employant entre 50 et 249 salariés et ayant un CE : au plus tard en même temps qu’il est procédé à l’information/consultation du CE. La réalisation de la cession ne pourra intervenir avant que le CE n’ait rendu son avis sur la cession.
Qui sont les bénéficiaires de l’obligation d’information ?
Tout « salarié », c'est-à-dire toute personne qui exécute un travail à temps plein ou à temps partiel aux termes d’un contrat de travail, qui est soumis à un lien de subordination pour le compte d’un employeur en échange d’une rémunération (les employés en congé maladie ou en congé maternité, les apprentis sont donc concernés mais pas les intérimaires).
Quelle information donner ?
La seule obligation est d’informer chaque salarié :
- de la volonté du cédant de procéder à une cession,
- du fait que tout salarié peut présenter une offre d’achat.
La loi n’impose la transmission d’aucune autre information et notamment d’aucun prix de cession et d’aucun document relatif au fonctionnement et à la comptabilité de l’entreprise.
Comment fournir l’information ?
Le décret précise que l’information des salariés doit être individuelle et effectuée par tout moyen de nature à rendre certaine la date de réception par chacun des salariés et notamment au cours d’une réunion d’information des salariés (signature d’un registre de présence), par un affichage (registre de signatures attestant de la prise de connaissance de l’affichage), par courrier électronique (si date de réception certifiée), par remise en main propre contre émargement ou récépissé d’un document écrit mentionnant les informations requises, par lettre recommandée avec accusé de réception (la date de réception est celle apposée par la poste lors de la remise de la lettre à son destinataire), par acte extra-judiciaire.
Quelle est la sanction en cas de non respect de l’obligation d’information des salariés ?
La cession peut être annulée à la demande de tout salarié de l’entreprise non informé ou se déclarant mal informé (information partielle). L'action en nullité se prescrit par deux mois à compter de la date de publication de l'avis de cession du fonds ou deux mois à compter de la date à laquelle tous les salariés ont été informés de la réalisation de la cession de titres.
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Ce nouveau dispositif est insatisfaisant aussi bien du point de vue des dirigeants que des salariés.
S’agissant des dirigeants, ils sont peu enthousiastes à rompre la confidentialité des négociations menées avec un éventuel cessionnaire et d’être contraints dorénavant de rallonger leur calendrier de cession pour une période parfois indéterminée à l’origine d’une insécurité juridique des cessions.
De leur côté, les salariés ne bénéficient pas d’un droit de préemption mais d’une simple obligation d’information préalable. En effet, le cédant n’a aucune obligation à l’égard d’une offre présentée par les salariés (aucun droit de préemption) et le refus du cédant n’a pas à être motivé (pas d’obligation de répondre).
D’ailleurs, vient d’être mise en place une mission parlementaire sur le droit d’information préalable des salariés ayant notamment pour objectif « de proposer les évolutions nécessaires, le cas échéant, pour une mise en œuvre efficace du droit d’information préalable des salariés, tout en assurant la sécurité des cessions ».
Marie-Charlotte LEFEBVRE
Avocat
Département Droit des Sociétés
Cabinet FIDAL PERPIGNAN